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pas tout à fait papa
20 avril 2016

Histoire ordinaire d'un parent endeuillé

Des mots maladroits, des inattentions, des manques de compréhension, tout parent qui a perdu un bébé en aurait des dizaines, voire des centaines, à raconter. 

Voici une petite histoire de plus...

J'avais un ami. Pas juste une connaissance, pas juste un camarade de lycée. Un vrai ami, avec les confidences, les soutiens, tout. On s'est rencontré dans les couloirs du lycée, lui étant dans le niveau inférieur. On en a passé, des heures, à discuter, à refaire le monde... Des discussions futiles aux débats philosophiques, des sorties ciné aux "remontage de moral"... Pendant deux années communes dans les murs du lycée et sur les sièges de bus lors de nos retours à la maison - vu qu'on habitait le même quartier -, on se connaissait quasiment par coeur. 

Puis nous sommes partis chacun de notre côté, emportés par nos études supérieures. Nous avons gardé contact, grace à internet, et j'avais l'illusion que notre amitié était toujours la même. Il est venu avec sa fiancée à mon mariage. Je suis allé avec ma femme à son mariage.

Il a eu sa première fille, à quelques jours près, en même temps que moi. Quelques mois plus tard, nous allions les voir, et je pensais que ça serait la première rencontre d'une longue série entre sa fille et la mienne.

Puis ma seconde fille est née sans vie. Son épouse prenait de nos nouvelles, assez maladroitement, ce qui nous avait d'ailleurs beaucoup blessés. Ca a duré quelques semaines. Venant de lui-même, silence radio.

Puis ma troisième fille est née sans vie. Silence radio.

Puis mon fils est né. Comme pour ses trois soeurs, nous avons posté, en plus des faire-parts "papier" envoyés à nos familles, une publication facebook pour annoncer sa naissance. Silence radio.

Puis j'ai reçu un message de sa part pour la nouvelle année, laissant transparaître la nouvelle d'une future naissance. J'ai trouvé ce message impersonnel assez maladroit, dans notre situation familiale. Mais j'ai préféré ne pas trop en tenir compte.

J'ai aperçu, dernièrement, sur les réseaux sociaux, que sa seconde fille était née. D'une nature peu rancunière, et un peu dans l'espoir d'une amitié conservée, je lui ai adressé par message privé mes félicitations. Il m'a remercié, et a espéré que de mon côté, tout allait bien. J'ai mis les pieds dans le plat, en répondant que l'arrivée de notre fils nous aidait à nous reconstruire, et que nous essayions d'offrir à notre aînée et à notre fils l'environnement le plus stable possible, soulignant la difficulté de cette tâche. 

Alors, il a évoqué, plutôt indirectement, le décès de nos deux filles, les qualifiant de malheureux évènements, et m'expliquant que s'il ne s'était pas manifesté auprès de nous, c'était parce qu'il était mal à l'aise, et n'avait pas les mots.

Oui, c'est difficile de trouver les mots. J'en suis bien conscient. Oui, ça fout sacrément mal à l'aise. D'un côté, j'ai envie de comprendre. D'un autre coté, j'ai juste envie de dire merde. Ça fait 3 ans, un peu plus, que nous avons perdu notre seconde fille. Pendant 3 ans, pas un mot, pas un message, pas un email, rien du tout. Et si tout le monde avait fait pareil ? Fallait-il attendre de lire dans les journaux qu'un jeune couple avait laissé le gaz allumé, et que les enquêteurs n'éliminaient pas la thèse du suicide ? Quel genre d'amitié nous liait si la mort de mon enfant a laissé un silence gêné de 3 années ? Oui, ce n'est pas facile, mais n'ai-je pas tendu la perche à de multiples reprises, en parlant de mon deuil, de ma souffrance, de ma seconde fille, puis de ma troisième fille, sans tabou, sur les réseaux sociaux ? De nombreux amis, certains que je considérais à tort davantage comme des connaissances que comme des amis, se sont manifestés, sobrement, maladroitement, timidement, parfois un peu tardivement, et ça a atténué un peu (ce qui est déjà considérable !) la solitude qui nous a envahi ce jour là. Je leur en suis tellement reconnaissant.

Mais on peut dire ce qu'on veut, aucun signe de vie pendant 3 ans malgré toutes les mains tendues, ce n'est pas de la timidité, ni de la maladresse. Et surtout, ce n'est pas de l'amitié...

Le deuil périnatal, d'une certaine manière, s'accompagne aussi du deuil de relations que l'on croyait fortes, et qui ne le sont finalement pas tant...

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pas tout à fait papa
  • Je suis un papa qui souhaite, dans l'anonymat, parler du deuil de mes deux enfants nés sans vie. Si vous voulez partager certains de mes articles ou l'adresse du blog, je vous demande de me prévenir et d'attendre mon accord, afin de préserver cet anonymat
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