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pas tout à fait papa
20 février 2016

La place du père

C'est un peu comme des poupées russes. Un tabou, dans le tabou.

Quelle est la place du père dans le deuil périnatal ? Ou, peut-être, quelle place se fait le père dans le deuil périnatal ? Peut-être même, quelle place laisse la mère au père dans le deuil périnatal ?

Le deuil périnatal est un sujet tabou. Il ne faut pas en parler. Mais lorsque l'on se retrouve uniquement entre personnes touchées par ce sujet, on se permet de parler plus librement. Oui, mais. D'une certaine manière, alors que la quasi totalité des mamans ayant perdu leur bébé se plaint du manque de considération vis à vis de leur deuil, il y a de leur part un manque de considération envers le deuil vécu par le père. Avec, de la bouche même de mamans personnellement meurtries par le deuil périnatal, le refus catégorique de considérer que le père est également confronté au même deuil, peut-être d'une manière différente, mais dans tous les cas, ni moins douloureusement, ni moins intensément. C'est infiniment dommage, et je pense que ça peut être, malheureusement, le début d'un éloignement entre la maman et le papa. Le dialogue dans le couple permet d'avancer ensemble. Le manque de dialogue doit probablement faire avancer chacun des parents individuellement, dans une épreuve qui isole déjà brutalement le couple de la société.

Je me suis rendu compte de tout ça très dernièrement. Comme beaucoup d'autres parents ayant perdu la perte d'un bébé, j'ai ressenti le besoin de partager. Notamment via ce blog, mais aussi via des discussions par mail avec d'autres mamans et papas, et puis un peu via des groupes Facebook consacrés au deuil périnatal. Lors de ma présentation sur ces groupes, les membres - majoritairement féminins - ont accueilli avec enthousiasme la présence d'un papa, suffisamment rare pour être remarquée. J'ai donné, à de rares reprises, quelques opinions sur quelques histoires, dans le but d'aider un peu les personnes livrant leurs témoignages tous plus douloureux les uns que les autres. J'ai livré moi aussi l'histoire de ma famille. Et puis il y a eu un message recopié, d'une sage-femme s'intéressant dans un étude au ressenti des mamans lors de la naissance sans vie de leur enfant. Ce message comportait à de multiples reprises le mot "mamans", mais ne comportait pas une seule fois le mot "papas", ou même "parents". Alors, j'ai répondu. J'ai juste dit que la prise en charge pourrait déjà être améliorée en intégrant le papa au deuil périnatal. La maman qui gère ce groupe, et qui avait recopié le message de la sage-femme, a répondu que c'était normal que l'étude soit faite sur les mamans, parce que ce sont elles qui accouchent, et que le père ne vivra jamais ça (je n'ai pas les termes exacts employés, mais ça ressemblait beaucoup à ça). En réponse à ce message, j'ai essayé d'expliquer que le père n'en vivait pas moins une naissance, qu'il ne fallait pas être trop réducteur quant à son rôle, et que dans mon cas, l'accompagnement de l'équipe de la maternité à la fois vis à vis de mon épouse et de moi-même avait été particulièrement bien mené ; j'en retenais donc les avantages, et trouvais dommage qu'on puisse exclure le ressenti du père de la sorte. Je n'ai pas eu l'occasion de lire la suite de la discussion. Je n'ai plus eu accès, brutalement, aux discussions de ce groupe privé. Point, barre. J'imagine probablement à juste titre avoir été supprimé de ce groupe. 

En soit, ce n'est pas bien grave. Cette maman ne m'a pas "viré" de son groupe par méchanceté, elle avait probablement ses raisons de le faire. J'ai peut-être heurté des mamans en voulait exposer mon point de vue de père. Je n'ai pas voulu, loin de là, minimiser la souffrance de la mère. J'ai juste refusé qu'on minimise celle du père. 

Mais apparemment, au sein du tabou qu'est le deuil périnatal, il y a un tabou encore plus fort, encore plus profondément ancré : c'est celui de la souffrance du père.

Faut-il donc préserver l'image du père fort, qui ne ressent rien, qui continue à avancer, sans même parler de la perte de son enfant, sans jamais laisser paraître ses sentiments, sans jamais laisser couler ses larmes ? Pourtant, bizarrement, les mamans présentes sur ces groupes de discussions décrivent assez souvent ce type de comportement chez leurs conjoints respectifs, et s'en plaignent... 

Ne serait-ce pas plus sain, malgré l'immensité de la douleur de la maman, de laisser un peu de place pour que la douleur du papa puisse également s'exprimer ? Ne serait-ce pas plus sain, de la part du papa, d'oublier un peu la place que la société voudrait imposer au père, et de laisser s'exprimer sa peine ? Ne serait-ce pas plus sain, tout simplement, de vivre le deuil périnatal en couple ? C'est après tout l'unité du couple qui avait, à la base, donné la vie à un enfant... Si nous-mêmes, parents endeuillés, frappés par l'isolement dans lequel nous renvoie la société, nous isolons de nos conjoints en minimisant leur deuil, comment pouvons-nous reprocher à cette même société de nous isoler ?...

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Commentaires
J
Votre témoignage est criant de vérité et je vous en remercie !! <br /> <br /> Je crois que la France, comme souvent, est très en retard sur ce sujet ... <br /> <br /> Notre condition de parents endeuillés n'est pas évidente dans la société : une maman qui pleure un bébé qu'elle a porté mais qu'elle n'a pas connu ne devrait pas pleurer son enfant trop longtemps, elle en fera d'autres ... alors un papa qui pleure son enfant qu'il n'a que très peu senti, imaginez ce que la société exige de lui !!! C'est tout simplement une honte de minimiser nos chagrins, hommes-femmes confondus, nous avons tous entendu des horreurs, j'en suis sure, mais ne nous laissons pas abattre, notre détermination en vaut la peine !!
L
Je vous rejoins totalement
pas tout à fait papa
  • Je suis un papa qui souhaite, dans l'anonymat, parler du deuil de mes deux enfants nés sans vie. Si vous voulez partager certains de mes articles ou l'adresse du blog, je vous demande de me prévenir et d'attendre mon accord, afin de préserver cet anonymat
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