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pas tout à fait papa
30 septembre 2014

idées en vrac

Plusieurs choses se mélangent, j'ai parfois envie d'écrire quelque chose, mais finalement rien ne vient vraiment. C'est pourquoi j'ai décidé de "lancer" mes idées, comme ça, en vrac, sans les ordonner vraiment...

Je n'arrive pas à pleurer. Enfin, si, des fois, un peu, mais presque pas. Comme si j'avais tout pleuré pour sa grande soeur. A l'époque, je ne pouvais pas imaginer qu'on aurait un autre enfant. Et surtout, je ne pouvais pas imaginer que sa vie s'arrêterait, à elle aussi, si rapidement. Trop rapidement. Alors mes yeux sont secs, mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas triste. Ça ne veut surtout pas dire que je vais bien. J'ai mal, autant que pour sa grande soeur, de l'avoir perdue si injustement. Et j'ai mal aussi de ne plus avoir de larmes pour elle.

J'ai repris le boulot. Hier. Moins d'une semaine après sa naissance. Parce qu'un papa, probablement, ça ne souffre pas et ça peut continuer à vivre comme si de rien n'était. Ma femme a été mise un mois en arrêt maladie. Son arrêt sera probablement prolongé, le temps qu'elle se relève, qu'elle ait la force d'affronter à nouveau le quotidien. Mais à moi, on ne m'a rien proposé. Et comme ma femme et moi, on est du genre à ne pas oser réclamer, de peur d'avoir l'impression de "profiter", ça ne me viendrait pas à l'idée de demander un arrêt. De toute façon, étant à mon compte, ça serait beaucoup trop compliqué financièrement. Donc je retourne bosser, sans envie, sans aucune motivation. Et sans savoir combien de temps je tiendrai.

Régulièrement, je me rend compte que je n'entend pas les gens me parler. Ils sont là, ils m'adressent la parole, je commence à les écouter, puis c'est le vide absolu. Je n'entend que son silence, je ne vois que son absence, et au bout de quelques minutes, je me rend compte que je n'ai rien entendu à la conversation engagée. Je serais incapable de dire, même grossièrement, ce qu'il vient de m'être dit. Le néant. J'arrive à donner le change, à partir sur un autre sujet de conversation, pour que ça ne se remarque pas trop. J'aurais envie de m'enfuir en courant, de ne plus parler à personne pour ne plus avoir à entendre ces paroles qui ne m'intéressent pas. Mais "ça ne se fait pas", donc j'essaie de suivre malgré tout ces conversations inutiles.

Nous sommes en galère avec les pompes funèbres. Le caveau de notre seconde fille a été fait sur mesure pour son petit cercueil. Du coup, il n'y a pas la place pour mettre le minuscule cercueil de ma troisième fille. Le marbrier nous propose de poser ce tout petit cercueil par dessus le caveau, sur la dalle cimentée, et de rehausser un peu le monument. Donc, si on se représente bien les choses, le cercueil de mon enfant serait posé sur une dalle, au niveau du sol, avec des parois d'habillage de monument et la plaque de pierre par dessus (une pierre de carrière locale, qu'on avait choisie à la fois pour sa proximité et pour son aspect qui nous plaît beaucoup). Et ils appellent ça un enterrement. Je voudrais bien savoir qui accepterait que son enfant décédé soit "déposé" par terre avec un monument simplement assemblé par dessus. Mes deux filles ne seraient pas véritablement ensemble. Je veux qu'elles partagent un lit superposé, pas qu'elles dorment dans une sorte d'immeuble avec chacune leur appartement, l'un au dessus de l'autre. Donc on galère à leur "imposer" notre volonté (il suffirait de surélever un peu le caveau, ça reviendrait à peu près au même, mais au moins elles reposeraient dans le même caveau), pendant ce temps là les jours filent, et ils n'ont même pas contacter le funérarium de l'hopital pour les informer de la prise en charge prochaine de notre fille. Et si au bout de 10 jours, le funérarium n'a pas de nouvelles de nous, alors ma fille partira pour être incinérée et dispersée dans un jardin du souvenir, je ne sais même pas où. Donc on doit contacter nous-même ce funérarium, pour les prévenir de ce qu'il se passe, et pour qu'ils gardent notre fille encore un peu. Enfin, "on"... C'est mon épouse qui doit s'en charger, vu que je suis pris au boulot toute la journée. Et le soir, quand je rentre, je la trouve effondrée, d'avoir passé ses journées entre ma fille de 3 ans et toutes ces contrariétés. Nous avons l'impression que les obsèques de notre toute petite fille sont envisagées "à la légère", parce qu'elle est toute petite. Comme si elle n'était pas tout à fait un enfant. Comme si elle était moins importante que sa grande soeur.

On attend les résultats des analyses. On a refusé l'autopsie, étant donné que la cause du décès a été trouvée. On n'attend donc pas de confirmation de la cause de ce décès, elle est évidente et non discutable. Par contre, on veut savoir si des anomalies sont présentes sur les analyses sanguines de mon épouse. Dans l'espoir, peut-être, de comprendre un peu mieux le décès de notre seconde fille. Et pour savoir, aussi, si on peut se permettre d'envisager un quatrième enfant.

Nous avons envoyé par la poste les faire-parts de naissance sans vie de notre fille. La plupart des destinataires sont déjà informés. Mais c'est une sorte de rituel important pour nous. Ça officialise un peu plus son existence. Ça souligne surtout le fait que c'est bel et bien une enfant qu'on a à nouveau perdu, et qu'on n'est pas moins tristes que pour sa grande soeur. A la maternité, on avait laissé un tampon encreur à la sage-femme, pour qu'elle nous fasse, sur une feuille cartonnée, les empreintes des mains et des pieds de notre toute petite fille. Nous avons décidé de reporter ces petites empreintes sur les faire-parts. Je ne sais pas si leurs destinataires comprendront que ce sont ses vraies empreintes. Mais ça nous était important de partager un petit peu d'elle.

On commence à avoir des petits mots gentils, quant au choix de son prénom. On n'aura pas pu lui offrir grand-chose d'autre qu'un joli prénom. Le fait que notre entourage le trouve joli aussi me touche beaucoup. C'est pas grand-chose, mais c'est au moins ça...

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  • Je suis un papa qui souhaite, dans l'anonymat, parler du deuil de mes deux enfants nés sans vie. Si vous voulez partager certains de mes articles ou l'adresse du blog, je vous demande de me prévenir et d'attendre mon accord, afin de préserver cet anonymat
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