"mais moi, je voulais une petite soeur"

Je ne savais pas comment intituler ce post. j'avais pensé à "incrédulité", "la foudre peut tomber deux fois au même endroit", "acharnement", "injustice" ou bien d'autres encore...

Ma fille aînée est née en pleine santé. Tout s'est déroulé à merveille, et quand j'entendais parler de parents qui perdaient leur bébé, soit in utéro, soit peu après la naissance, je me disais "mais comment peuvent-ils supporter ça ?".

Puis ma seconde fille est née sans vie. Pour des raisons encore floues aujourd'hui. Hématome rétro-placentaire sans étiologie définie, petit placenta sans explication particulière... Et, pour notre fille aînée, nous avons dû surmonter cette épreuve. Nous nous sommes penchés sur des forums abordant le deuil périnatal (surtout ma femme, vu que les forums, ce n'est pas trop mon truc) et nous avons découvert que certains parents connaissent la perte d'un deuxième bébé. Et nous nous disions "comment peut-on vivre après ça ? La perte d'un bébé est déjà infiniment douloureuse, comment supporter une seconde fois un tel drame".

Et c'est arrivé. Nous venons d'avoir une troisième fille, née sans vie. Je ne sais pas comment on peut surmonter une telle situation. La psy de la maternité nous a expliqué que nous étions dans une phase de dénie, une sorte de mécanisme de survie. Nous "survolons" nos sentiments, nous les "remettons à plus tard" pour pouvoir avancer un peu, préserver notre fille aînée, nous préserver nous-même. Nous sommes bien conscient que ça va nous retomber dessus, et que ça risque d'être très difficile. 

Quand nous sommes rentrés de l'échographie du 5ème mois, nous avons dû expliquer à notre fille aînée la situation. "Le bébé est mort dans le ventre de maman. Il va falloir que papa et maman retournent à la maternité pour le faire sortir." - "mais moi, je voulais une petite soeur...". Elle a sangloté. Nous aussi. Nous aussi, on voulait qu'elle ait une petite soeur à la maison. Ce jour là, nous étions submergés dans nos sentiments. Hors de question d'envisager un quatrième enfant. D'ailleurs, à quoi bon ? Nous étions persuadés que le décès de notre seconde fille était lié au décès de ce troisième enfant. Nous ignorions encore s'il s'agissait d'un petit garçon ou d'une petite fille. Nous ne l'avons appris qu'à la naissance. Mais une chose était certaine : ce qui avait fait mourir notre seconde fille, avait aussi fait mourir notre troisième enfant.

Et pourtant, nous nous trompions.

Nous avons dû retourner à la maternité. Le déclenchement a agit un peu plus rapidement que la fois précédente. Le travail a été beaucoup plus douloureux que les fois précédentes. Ma femme était exténuée, littéralement à bout de forces. La péridurale l'a soulagée juste avant la naissance de notre troisième enfant. Une petite fille. Nous avions redouté de ne pas pouvoir la voir, étant donné qu'elle était décédée depuis une à deux semaine, voire même un peu plus. Par chance, elle n'était pas abîmée, et la sage-femme a pu nous l'apporter. Avec cette toute petite fille, elle nous a amené la cause de son décès. Son cordon ombilicale. Elle nous a expliqué avoir eu du mal à la libérer de son cordon. Elle nous a décrit comment il était enroulé, par trois fois, autour d'elle, allant jusqu'à déformer son petit cou et son petit crâne. Elle nous a dit qu'il était même rétréci, sur une portion, du fait de la tension sur un entremêlement. Notre troisième enfant est donc décédée d'un circulaire de cordon. Rien à voir avec le décès de notre seconde fille. Une cause commune aurait un peu atténué le sentiment d'injustice que nous vivons. Mais non. L'injustice est complète. C'est incroyable. Et nous n'y croyons nous-même pas encore tout à fait...