avec des mots d'enfant

Je ne pensais pas écrire ce post si tôt, mais l'insomnie m'étant revenue, pour faire passer les heures un peu moins lentement, il faut bien s'occuper comme on peut...

Il y a environ 10 ou 12 jours, notre fille de 3 ans a dit à mon épouse : "il n'y a plus de bébé dans ton ventre". 

Il y a trois, jours, nous avions rendez-vous pour l'échographie du 5ème mois. Comme à chacune des échographies précédentes, nous avions beaucoup d'appréhension. Deux semaines auparavant, tout allait bien, que ça soit côté bébé, côté placenta ou côté artères utérines.

Juste après avoir posé la sonde de l'appareil sur le ventre de mon épouse, le gynécologue a eu les mêmes mots que pour notre seconde fille. "La grossesse s'est arrêtée". Depuis environ deux semaines, soit quelques heures, probablement, après la dernière échographie. Soit quelques jours avant que ma fille, avec ses mots d'enfant que nous n'avons pas su ou pas voulu comprendre, nous annonce le décès du petit frère ou de la petite soeur qu'elle attendait tant.

Je suis incapable aujourd'hui de m'exprimer sur notre nouveau deuil. Nous nous déconnectons complètement de ce qui se passe. Quand nous y sommes ramenés, à travers les messages de proches ou quand nous devons retourner à la maternité pour que mon épouse prenne le traitement qui prépare le déclenchement, nous nous effondrons. Et puis nous parvenons à nous déconnecter à nouveau, probablement pour nous protéger un peu, et pour protéger notre fille ainée. 

Je ne peux rien écrire de plus aujourd'hui. Des tonnes de choses me passent par la tête, je pense à ces premiers moments vécus avec notre première fille, après sa naissance, et je me dis qu'on ne pourra jamais plus les vivre. Je pense au Dieu auquel je croyais, en qui je n'ai plus aucune confiance aujourd'hui. Je pense à tout ce qu'on va devoir endurer dans les prochains jours, et je n'ai pas envie de recommencer tout ça. Je pense à la façon dont va se construire notre fille ainée, entourée du deuil de deux enfants et de la tristesse de ses parents. Je pense à l'injustice, au sort qui s'acharne sur nous, au fait que les médecins pensent a priori que le décès de ce bébé n'a pas de rapport avec le décès de notre seconde fille. Je pense qu'il y a un enfant, sur Terre, qui me tend les bras, et qu'il y en a deux maintenant, quelque part au dessus de nous, qui me les tendent aussi. Je pense que je serais bien incapable de mettre fin à mes jours, mais que je souhaite parfois qu'un chauffeur routier perde le contrôle de son camion et vienne percuter ma voiture au détour d'un virage ; puis, quelques instants plus tard, je m'en veux de souhaiter tout ça, et je veux essayer d'offrir à ma fille aînée un peu plus de joie que ce qu'on lui offre depuis un an et demi. Tout s'emmêle, rien n'est bien clair, je ne sais pas comment on va pouvoir subir les évènements à venir. Mon épouse et moi n'avons pas envie de nous laisser aller, pour notre fille aînée. Et, encore une fois, surtout, grâce à notre fille aînée.