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pas tout à fait papa
14 septembre 2014

emplacement

Ça s'est passé le lendemain, ou peut-être le surlendemain, de notre retour de la maternité. Mon beau-père avait commencé les démarches et contacté le maire de notre commune, pour connaître les "modalités" et l'emplacement. Pour ce dernier point, il fallait notre présence, à mon épouse et moi-même, et nous nous sommes déplacés.

C'était, il me semble, la première fois que nous sortions de chez nous depuis que nous étions rentrés de la maternité.

Nous nous y sommes donc rendus. C'était la première fois que nous y allions. Il faut dire que nous sommes arrivés dans ce village il y a quelques années, et que nous n'y avions aucune attache familiale. Nous n'avions donc aucune raison de visiter ces lieux auparavant. Nous sommes arrivés devant ce portail en fer forgé, peint en blanc. Le maire nous attendait, il a dû nous adresser quelques formules de circonstance que j'ai oubliées. Nous étions encore tellement ensevelis sous notre douleur. Il nous a dit, en entrant dans le cimetière, que pour les enfants, la commune ne demandait pas d'argent. Nous nous sommes avancé, tout doucement, sur un court chemin que nous allions être amenés à souvent fréquenter.

C'est un petit cimetière à flanc de colline, entouré de murs en pierres. Ça respire l'ancien, ça a, en quelques sortes, le charme qu'on recherche quand on parcours des annonces immobilières, dans l'espoir de trouver une belle maison ancienne aux pierres apparentes. Il ne semble pas rester beaucoup de places libres. Certains monuments, de tout évidence, ne sont plus visités depuis longtemps. D'autres sont parfaitement entretenus et fleuris. Nous grimpons doucement vers le haut du cimetière, en suivant le maire. Nous nous dirigeons vers le côté gauche, pas tout à fait tout en haut. "C'est là qu'on met les enfants". Je regarde un peu, je prend mes repères. 3 petites tombes sont devant moi. Les deux premières sont récentes, même très récente pour l'une. Deux enfants décédés dans leur première année de vie. La troisième tombe m'est plus émouvante. On ne sait plus lire les inscriptions sur la pierre. Le monument se disloque un peu, il est en vieille pierre, gris foncé. Quelques mauvaises herbes ont pris racine dans les interstices des différentes dalles. Il y a, là, un enfant qui ne reçoit plus de visites. Ses parents ne sont même, probablement, plus de ce monde. Je suis profondément touché par la solitude qui émane de cette petite tombe en ruine, et j'ai mal de penser qu'un jour, ma fille puisse connaître la même solitude...

Le maire parle. Je me ressaisi, et j'écoute ce qu'il nous explique. "On peut enlever cette tombe et choisir cet emplacement, ou alors faire creuser à côté, là". À la gauche de cette vieille petite tombe, il y a la place pour un, peut-être deux, monuments d'enfants. Ma femme et moi avons en même temps là même réponse. "À côté". Hors de question de voler la place de cet enfant. Hors de question de détruire sa petite tombe. Hors de question de le déranger. D'autant plus qu'il reste bien assez de place pour notre fille.

Je me retourne et regarde un peu le paysage qui s'offre à nous. "Elle sera bien, là, elle aura une jolie vue".

Régulièrement, j'enlève les mauvaises herbes qui poussent sur cette petite tombe abandonnée. Je n'ai pas de prière à adresser à cet enfant décédé avant même que je ne sois né. Je respecte sa solitude. Et parfois, j'imagine que ma fille est peut-être assise, là haut, juste à côté de lui...

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  • Je suis un papa qui souhaite, dans l'anonymat, parler du deuil de mes deux enfants nés sans vie. Si vous voulez partager certains de mes articles ou l'adresse du blog, je vous demande de me prévenir et d'attendre mon accord, afin de préserver cet anonymat
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