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pas tout à fait papa
10 octobre 2014

parlons un peu de religion

Le décès de mes filles ont profondément modifié mes croyances. Je vais raconter ici mon histoire, très personnelle. Encore une fois, je ne dicte aucune façon de penser ou de réagir. Je tente juste d'expliquer, en essayant de trouver les bons mots, ce que je ressens depuis un an et demi.

Je suis né dans une famille catholique. Pas du genre famille Le Quesnoy dans "La vie est un long fleuve tranquille". Pas du genre à battre le pavé à "la manif pour tous". Mais pas du genre non plus à se dire croyant sans jamais entrer dans une église. J'ai été baptisé, comme mes frères et soeur. Je suis allé au cathé. Ma mère a même encadré des groupes de gamins de mon âge dans le cadre du cathé. Mon père filait un coup de main au curé pour les réunions ou les communions. J'ai fait ma première, puis ma seconde communion. J'ai été enfant de coeur, davantage pour faire comme un camarade de e qu'autre chose. J'allais bien plus souvent à la messe que mes parents. J'ai intégré une équipe de préparation de messes, avec d'autres jeunes collégiens et lycéens. J'ai été chef d'une unité de scoutisme, sans avoir d'ailleurs jamais été scout auparavant. Tout ça "coulait de source", je suivais le mouvement, et ça me plaisait.

J'ai fait ma confirmation. Ça a été une démarche très personnelle, une préparation sérieuse et investie, aboutissant à un moment très fort et très important. J'ai accordé, ce jour-là, ma confiance à Dieu.

J'ai poursuivi ce chemin. Au cours de mes études supérieures, j'ai fait un séjour à Taizé. J'ai beaucoup aimé ce trop court séjour. Il m'a conforté dans ma façon de voir les choses et de vivre ma religion. J'ai rencontré ma femme, issue d'une famille catholique moins pratiquante que la mienne, et ayant "coupé les ponts" avec la religion depuis son enfance. Quelques années plus tard, nous nous sommes mariés. A l'église. En partie parce que c'était important pour moi, mais pas seulement. C'était important aussi pour ma femme. Malgré sa non-croyance en Dieu, elle avait besoin de ce mariage religieux qui faisait un peu écho à son éducation, à ses parents, à sa grand-mère. Nous n'avons pas caché nos motivations au prêtre et à l'équipe de préparation. Dès le premier instant, nous leur avons tout dit. "Ma femme ne croit pas en Dieu, moi j'y crois, et nous souhaitons nous marier à l'église. Est-ce possible ?". Nous avons demandé une bénédiction, sans eucharistie, par respect pour l'Eglise. Nous estimions qu'une eucharistie n'avait pas de sens, étant donné que ma femme est athée. 

Nous avons eu notre première fille, et nous avons décidé de ne pas la faire baptiser. Pas tout de suite. Pas sans son accord. Nous souhaitions lui expliquer qu'il y a des gens qui croient en Dieu et d'autres qui n'y croient pas. Nous souhaitions lui laisser la possibilité de croire ou de ne pas croire, et la possibilité de se faire baptiser ou non. 

Voilà où nous en étions, avant la grossesse de ma seconde fille. 

Et ma seconde fille est née sans vie. J'ai ressenti un immense sentiment d'abandon. Où était-il, ce Dieu qui m'avait tant aidé par le passé ? Nous avons tout de même demandé à ce que des funérailles soient organisées à l'église. Nous avons choisi des textes, des musiques. J'ai confié ma seconde fille à Dieu. Malgré cet abandon. J'ai prié, de tout mon être, pour qu'Il prenne soin d'elle. Je n'ai pas eu l'impression d'être entendu, mais j'ai prié intensément. Il m'a fallu quelques semaines pour avoir envie de retourner à l'église. Et à chaque célébration, je pleurais. Avec cette question qui me hantait : "pourquoi m'as-tu abandonné ?". Dès que nous passions devant une église ouverte, ma femme et moi entrions dedans pour allumer un cierge. Comme pour rappeler à Dieu que par son abandon, nous avions perdu notre enfant. Comme pour Lui rappeler de veiller sur elle.

Quand ma femme est tombé enceinte pour la troisième fois, j'ai souvent prié. "Ne nous abandonne pas, cette fois-ci". Et pourtant...

Ce que je ressens aujourd'hui au plus profond de moi, ce n'est plus un sentiment d'abandon. C'est un sentiment de trahison. Et c'est très difficile à vivre, comme si je devais, en plus de celui de mes filles, de celui de ma famille, de celui de nos projets de vie, faire le deuil de ma religion. Cette religion qui avait tant d'importance pour moi. Ce Dieu en qui j'avais confiance. Ce Dieu, qui a laissé mourir mes deux enfants. 

Nous n'avons pas organisé de cérémonie religieuse pour ma troisième fille. J'ai l'impression que mon entourage pense que la principale raison est que ma troisième fille est décédée pendant le 5ème mois de grossesse, et qu'on ne la considère pas tout à fait comme un enfant. C'est complètement faux. Si nous n'avons pas organisé de cérémonie pour elle, c'est que ça ne représente plus rien pour nous. Je n'ai plus envie de croire en Dieu. Je n'ai plus envie de lui faire confiance. Je n'ai plus envie de rentrer dans une église. Je n'ai plus envie d'entendre parler de ce Dieu. S'Il existe, Il m'a réellement trahi, Il a bel et bien laissé mourir mes deux filles, et je ne peux plus Lui accorder une quelconque confiance. S'Il n'existe pas, à quoi bon vouloir me raccrocher à l'image que je me faisais de Lui ?

Je changerai peut-être d'opinion par la suite. J'y réfléchirai sûrement encore beaucoup. Mais aujourd'hui, je me sens trahi, et j'ai envie de continuer à vivre sans religion, sans église, sans prière. Sans Dieu.

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  • Je suis un papa qui souhaite, dans l'anonymat, parler du deuil de mes deux enfants nés sans vie. Si vous voulez partager certains de mes articles ou l'adresse du blog, je vous demande de me prévenir et d'attendre mon accord, afin de préserver cet anonymat
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