retour sur ma lettre ouverte
J'ai pris un peu plus de temps que je ne le pensais, mais je veux revenir sur cette lettre ouverte, adressée à la CAF de mon département, à la secrétaire d'état chargée de la famille, et à notre ministre des affaires sociales. Plusieurs lecteurs m'ont posé des questions à ce sujet, me demandant concrètement ce que cette lettre signifiait.
Voici, un peu plus précisément, comment se sont déroulées les choses. J'ai reçu, comme indiqué dans cette lettre, le fameux livret de paternité et le courrier l'accompagnant. Il s'agit probablement d'un envoi automatisé, faisant suite vraisemblablement à la déclaration de grossesse de mon épouse ayant eu lieu deux mois plus tôt. Apparemment, quand ils reçoivent un acte d'enfant sans vie quelques temps après avoir enregistré une déclaration de grossesse, ils sont incapables de supprimer l'envoi automatisé du livret de paternité. Peut-être que c'est techniquement impossible. Peut-être qu'ils s'en fichent royalement. Peut-être que ce n'est pas le même service. Peut-être que le responsable de l'unité "acte de naissance/acte d'enfant sans vie" n'a pas informé le responsable du bureau d'envoi des livrets de paternité. Peut-être qu'il y a eu réédition de ce livret, et qu'il faut bien passer les anciens livrets, alors tant pis si l'enfant est né sans vie. Je n'en sais rien. Je n'en saurai probablement jamais rien.
J'ai envoyé, par écrit, un courrier à ma CAF. Je leur ai renvoyé, avec ce courrier, le livret de paternité. Symboliquement. Je leur ai joint une photo de la tombe de mes filles. Symboliquement.
J'ai envoyé, par écrit, une copie de ce courrier, avec la photo de la tombe de mes filles, à Mme ROSSIGNOL, secrétaire d'état chargée de la famille.
J'ai envoyé, par écrit, une copie de ce courrier, avec toujours la photo de la tombe de mes filles, à Mme TOURAINE, ministre des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes. En gros, la ministre responsable de la branche "famille", ayant sous sa responsabilité la secrétaire d'état chargée de la famille.
Ce courrier était un peu plus succin que ma lettre ouverte. Mais j'y exposais les faits, et je disais mon indignation.
Par la suite, une fois les enveloppes postées, j'ai regretté de ne pas m'être davantage étendu. Et j'ai rédigé cette lettre ouverte. En me disant que, peut-être, le personnel de la CAF, ou Mme Rossignol, ou même, sait-on jamais, Mme Touraine, tomberont dessus un jour. En me disant que les parents ayant reçu, comme moi, ce livret après avoir perdu leur enfant, puisse "se consoler" en se disant que c'est arrivé à d'autres. Quand on se sent moins seul, on se sent un peu plus fort. J'ai reçu plusieurs témoignages, à peu près équivalent, toujours aussi révoltants, à propos d'administrations diverses commettant "une boulette". Sauf que pour nous, parents endeuillés, cette "boulette", c'est un coup de poignard. C'est le mépris de notre enfant décédé, et le mépris du deuil que nous porterons toute notre vie.
De mes trois courriers postés début novembre, je n'ai reçu aucune réponse. Je n'en aurai probablement jamais.
J'ai eu l'idée de faire un appel, via internet, à tous les parents endeuillés. J'ai eu envie de leur demander de me transmettre un petit quelque chose de leur enfant décédé, la photo d'une tombe, la photo d'un bracelet de naissance, une copie du livret de famille, une photo d'un petit pied ou d'une petite main, ou même juste une copie d'empreinte de pied ou de main. J'ai eu envie, avec toutes ces photos, de remplir une grosse enveloppe et de l'envoyer au ministère de Mme Touraine.
Mais le temps passant, j'ai eu beaucoup de doutes quant à cette idée. Combien de parents concernés me feront parvenir ces photos symboliques ? Sur les forums, que mon épouse fréquente un peu, il y a davantage de francophones qui ne résident pas en France que de français. En général, ces parents endeuillés fréquentent ces forums pendant 2 ou 3 ans, et quand ils ont avancé un peu dans leur deuil, quand ils ont, peut-être, un petit frère ou une petite soeur à s'occuper, ils laissent un peu ces forums de côté, ils continuent leur travail de deuil sans forcément ressentir le besoin de partager autant qu'avant. Du coup, combien de parents participeraient à cette idée ?
Je reviendrai peut-être à ce "projet" par la suite. Je laisse un peu le temps passer. Je n'ai peut-être pas encore la force de réaliser cette idée. Je dois, probablement, avancer encore un peu. Un jour, peut-être, je prendrai l'initiative de concrétiser tout ça.
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