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pas tout à fait papa
19 janvier 2015

Un berceau sans bébé

Comme beaucoup de parents confrontés au deuil périnatal, nous avons été sensibles au fait que TF1 ait diffusé, dernièrement, la version française du film "Return to zero". Étant donné le jour et l'heure de diffusion, nous n'avons pas pu le regarder "en direct" (notre fille aînée n'étant ni à l'école, ni chez sa nounou, aucune envie de se plonger dans un tel film en sa présence), et nous avons choisi de l'enregistrer. De toutes manières, mon épouse ne se sentait pas la force de le visionner. Je prévoyais donc de le regarder seul, sans savoir trop quand j'allais le faire (mon épouse étant en congé maternité jusqu'au mois de mars).

Cette nuit, après une longue période de pleurs de 23h45 à 0h40 de notre aînée en raison d'un mal de gorge (sur fond de terreurs nocturnes qui la reprennent un peu ces jours-ci), l'insomnie m'a accompagné jusque 2h30. Le sommeil ne voulant décidément pas me rejoindre, j'ai laissé mon épouse dormir en lui épargnant un insomniaque qui se retourne toutes les 20 secondes pour trouver enfin une position propice à l'endormissement... et j'ai décidé de regarder ce film.

Voici mon avis.

Je craignais un jeu un peu sur-fait des acteurs, une histoire un peu trop romancée, bref, du "sensationnel" pour attirer le téléspectateur. J'ai rapidement été rassuré, les acteurs jouent "juste", l'histoire (bien que différente de la mienne) est "simple", et moi qui ne suis pas du genre à verser une larme devant un film, j'ai fait exception lors de certains passages. Probablement car ils me replongeaient dans du vécu, dans de l'émotion connue. 

J'ai quelques reproches, tout de même, à faire.

D'abord, sur la quantité de larmes versées. Mon épouse et moi avons été totalement dévastés par l'annonce du décès de nos filles, et notamment lors du décès de notre seconde fille (donc la première décédée), nous avons pleuré presque sans pause jusqu'à sa naissance. Pour notre troisième fille, nous nous étions complètement déconnectés, et nous ne nous rendions pas réellement compte de ce qui se passait ; nous avons donc un peu moins pleuré. Mais quand je remonte dans mes souvenirs, je ne trouve quasiment pas un seul moment où nous sachions retenir nos larmes. 

Ensuite, j'ai trouvé l'attitude de la maman un peu déséquilibrée, dans le sens où elle réagissait à l'extrème face à des "maladresses" qui me semblaient assez légères, alors qu'elle ne réagissait pas face à des énormités inacceptables. Je n'ai pas d'exemples précis (je n'ai pas particulièrement envie de re-visionner le film tout de suite, et encore moins avec un carnet et un crayon à la main...), mais c'est une impression générale qui m'a "perturbé" tout au long du film.

Enfin, je trouve l'attitude du papa un peu caricaturée, peut-être parce que je ne me reconnais pas du tout dans son personnage. Entre l'alcool, la misogynie, la maîtresse... Certains passages m'ont semblé un peu trop "cliché". Le côté accusateur face à l'équipe médicale, que je n'ai pas du tout vécu, m'a un peu dérangé également. Mais j'imagine que certains papas qui ont connu ces sentiments et cette recherche d'un coupable dans l'équipe médicale se seront davantage identifiés au personnage que moi.

 

Ceci étant, l'idée générale du choc, de l'épreuve, de l'isolement social, du deuil périnatal, est étonnamment juste, même si je pense que quiconque n'est pas passé par là ne pourra qu'imaginer un millième de ce que c'est réellement. Mais pour ce point, je pense aussi que même nos familles ne se rendent pas réellement compte de ce qu'on vit (nos parents eux-mêmes ayant été étonnés de voir que deux ou trois semaines après le décès de notre troisième fille, nous n'allions pas bien).

Certaines scènes sont particulièrement fortes.

J'ai été marqué par l'annonce du décès. J'étais présent aux côtés de mon épouse lors des deux annonces de décès de mes filles, et je n'ose pas imaginer la culpabilité que j'aurais eu à ne pas avoir été présent ces jours là. Je n'ose pas imaginer non plus comment aurait réagi mon épouse, seule face au gynéco. 

J'ai été marqué par la naissance de ce bébé décédé. L'appaisement ressenti par les parents, et décrit par la suite par la maman, doivent sonner faux pour les téléspectateurs qui n'ont pas vécu de tels instants ; mais ils sont parfaitement décrits, et j'ai revécu au travers de ces scènes mes rencontres avec mes filles décédées. Je suis infiniment surpris que ce film soit aussi parfaitement juste à ce sujet.

J'ai été marqué par la scène où la maman se retrouve face à la "grenouille de bénitier". J'ai moi-même eu à subir le discours d'une cliente très croyante, m'affirmant avec insistance "vous la retrouverez, votre fille, et bien vivante !". Je n'ai pas su quoi lui répondre, je gardais les yeux sur mon écran d'ordinateur en espérant de tout mon être que cette dame termine son monologue au plus vite et qu'on passe à autre chose. Je me suis demandé, à ce moment du film, si tous les parents confrontés au deuil périnatal ont rencontré à un moment ou à un autre ce genre de personne persuadée que la perte de nos enfants est une bonne chose... 

J'ai été marqué, même si je n'ai pas connu cette situation et que je ne la connaîtrai probablement jamais, par la réaction de la maman lors de la naissance de son deuxième enfant. J'ai vu transparaître cette idée d'enfant de remplacement, perturbée par le fait que le deuxième enfant était une fille alors que l'enfant décédé était un garçon. Même en ayant été conscient qu'il fallait éviter à tout prix de tomber dans ce piège, quand nous avons envisagé notre troisième fille, je redoutais un peu qu'inconsciemment, elle représente pour nous cet enfant de remplacement. Nous n'en saurons rien, puisque nous avons perdu également cet enfant.

Je ne regrette pas d'avoir vu ce film. Chaque histoire est différente, et il faudrait presque un film par enfant décédé pour que chaque parent endeuillé puisse s'identifier parfaitement aux personnages. Mais globalement, j'ai reconnu à plusieurs reprises des émotions et des sentiments que mon épouse et moi avons connu ou connaissons encore aujourd'hui. Je regrette, par contre, qu'il ne soit pas diffusé à plus grande échelle, afin de faire connaître cette notion de deuil périnatal à davantage de monde. On pourrait tout à fait imaginer sa diffusion, un soir, sur une grande chaîne, et pourquoi pas symboliquement le 15 octobre ?

J'ai indiqué à mes contacts, sur Facebook, d'abord les jour et heure de diffusion de ce film, puis l'existance du replay sur le site de TF1. Certains y ont été sensibles et l'ont visionné. Ça me touche, infiniment, que des connaissances et amis fassent la démarche d'essayer de comprendre ce que nous endurons. A mes yeux, ça vaut bien davantage que n'importe quel message de compassion...

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  • Je suis un papa qui souhaite, dans l'anonymat, parler du deuil de mes deux enfants nés sans vie. Si vous voulez partager certains de mes articles ou l'adresse du blog, je vous demande de me prévenir et d'attendre mon accord, afin de préserver cet anonymat
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